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Vues d’ici - Un film de Vincent Pinel et Christian Zarifian (1978 - 72 minutes)

 


  •  Georges Sadoul, Dictionnaire des films - Louis Marcorelles, Le Monde - Claude-Marie Trémois, Télérama  •  
  •   François Maurin, L'Humanité - Marie-Odile Delacour, Libération - F.A., Positif  •  
  •  S.Z., La Vie Ouvrière - Daniel Lemmonier, Encrage - Alain Marquet, Lutte ouvriere  •  
  •  PAESE SERA (10.10.78) - Françoise Maupin, La Revue du Cinéma - entretien avec Ginette Dislaire  •  
  •  Guy Hennebelle, Ecran - entretien avec Josette Aubin  •  


S. Z.

La Vie Ouvrière, Mai 1979


Dix-huit mois de travail collectif préparatoire ont précédé le tournage de Vues d'ici, réalisé par l'Unité Cinéma de la Maison de la Culture du Havre. Ce film traite du travail de la femme à partir de réalités havraises. Mais il ne s'agit pas d'un film-enquête ni d'une expérience de cinéma-vérité. Vincent Pinel et Christian Zarifian ont « inventé» une histoire, écrit un scénario et des dialogues et confié le rôle principal de leur film à un comédien professionnel : Jean-Pierre Agazan. C'est le seul. Tous les autres personnages sont interprétés par des amateurs : ouvriers, ouvrières, employés des deux sexes.

Vues d'ici raconte une histoire courante, celle d'un couple : René et Annie. Ils ont quarante ans, habitent une HLM et se construisent un petit pavillon. Seul René travaille. Annie reste à la maison, s'occupe du ménage, des repas et des trois enfants. Deux sont déjà des adolescents (un garçon et une fille) et le troisième n'a que deux ans. Le pavillon c'est l'objectif n°1, l'espoir, le rêve. Pour lui on a tout sacrifié : cinéma, sorties, restaurant, auxquels supplée la télévision, sixième personnage de la famille. Mais voici que survient une réduction d'horaires (et de salaire). Pour sauver le pavillon Annie décide de chercher du travail, solution que René refuse obstinément, admettant seulement que sa femme aille garder des enfants et fasse, à l'extérieur, quelques ménages. Mais Annie ne cède, pas et, après maintes démarches, réussit à se faire embaucher à la CETIM, dans un atelier de circuits électroniques. C'est pour elle la découverte d'un autre milieu, celui de l'exploitation directe, des brimades, des cadences mais aussi celui de la camaraderie et de la fraternité. Annie découvre également la joie que procure la première paie rapportée au foyer et... l'amertume de ne pas être comprise. Elle se sent devenir une autre femme, un peu plus majeure, un peu plus elle-même. Situation que René supporte mal et refuse, sans pouvoir l'empêcher. Car Annie lui tient tête.
Elle va plus loin encore en s'engageant dans l'action militante au cours d'une grève menée pour empêcher deux licenciements dans son atelier et un début de démantèlement de l'usine. Le film ne conclut pas. On ne sait pas si les ouvriers gagneront. On ne sait pas si le mari comprendra l'attitude de sa femme. L'on sent néanmoins se dessiner chez lui une évolution, une prise de conscience.
Mais ce n'est pas le plus important. Vues d'ici pose, à travers ce récit découpé en séquences simples mais non schématiques, un problème de notre temps. La question existe. Elle tient aux idées reçues, aux préjugés, à l'idéologie dominante, au rôle subalterne (tant familial que social) dans lequel le capitalisme veut perpétuer la femme.

TOUS LES MARIS NE RESSEMBLENT PAS A RENE

Il pourra paraître caricatural ce brave ouvrier, aimant et bon époux de surcroît, déniant à sa femme le droit de travailler parce que son autorité de chef de famille va être remise en cause, parce que la soupe ne sera pas prête, parce que va se poser en termes aigus la question du partage des tâches domestiques et de son rôle à la maison. Certes, beaucoup de maris ne ressemblent pas à René. Mais, beaucoup lui ressemblent. Nous avons aimé dans ce film l'âpre discussion qui s'engage sur ce sujet dans la cour de l'usine occupée entre une dizaine de militants. Discussion où fusent des propos surprenants mais souvent entendus et parfaitement spontanés. Il ne s'agissait pas là d'un texte écrit, appris par cœur.
Les « figurants », tous des ouvriers, disaient ce qu'ils pensaient de la question. La plus grande partie du dialogue a d'ailleurs été bousculée au cours du tournage et remplacée par des propos nés directement de l'action. Belle séquence aussi que celle de l'atelier des femmes refusant d'être humiliées par le contremaître et rejetant le licenciement de deux d'entre elles. Nous vivons à ce moment quelques minutes d'intense émotion. Celle-ci atteint peut-être son maximum quand la caméra se fixe longuement sur le visage pathétique d'Annie, gagnée un instant par le désespoir. Il faut savoir que ce rôle est joué par une simple femme de service.

Vues d'ici est un film sur la condition féminine. Un film de réflexion qui ne tombe jamais dans la sensiblerie ou un féminisme étroit. Deux écueils qu'il a su éviter. Il intègre parfaitement la lutte des femmes à celle de l'ensemble des travailleurs. Il reste en même temps intimiste et humain. Ces éléments, parfaitement conjugués, en font un film vrai. On ne regrettera qu'une chose : le peu de place tenu par les enfants du couple, laissés un peu trop de côté.

Daniel Lemmonier

Encrage, N°2 - Mars 1979


Vues d'ici est un film du Havre, entièrement réalisé au Havre par des havraises et des havrais. Ce fait à lui seul justifierait notre intérêt, car de toutes les disciplines artistiques, le cinéma est la seule à rester strictement centralisée. Hors Paris, point de salut. Vues d'ici est un des premiers films qui échappe à cette logique jacobine. Du moins pour sa production, car pour sa diffusion le film reste tributaire du système de la «sortie» à Paris. S'il n'est pas projeté dans une salle parisienne, il n'aura pas d'existence réelle car «on» n'en parlera pas («on» c'est la presse bien sûr, mais aussi tous ceux dont dépend la diffusion du film en France ou ailleurs). Vues d'ici sortira à Paris (cinéma La Clef) fin Avril. On en parlera donc dans les médias nationaux. D'ici là, le film aura été projeté des dizaines de fois, ici et ailleurs. Le lecteur jugera lui-même de l'absurdité de cette situation, qui fait des parisiens (assemblage sociologique très particulier) les seuls spectateurs dont le jugement ait de l'importance. Quant à nous, nous avons demandé à un havrais, Daniel Lemonnier, de donner ici et maintenant son point de vue sur Vues d'ici.

VUES D'ICI - UN FILM DU HAVRE

Il est question dans ce film de la plus élémentaire nécessité, celle de continuer à vivre dans des conditions matérielles que la volonté subjective ne suffit pas à transformer. «Qu'est-ce que tu veux que je dise ? Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?», confie une femme - Nicole - qui voit son bonhomme (comme elle dit) la délaisser. Trente ans, trois enfants, elle espère encore se concilier la réalité d'un concubin volage par... le mariage. De l'usage magique des institutions : le prendre pour mari pour être prise en compte (elle et ses enfants). En désespoir de cause, la demande d'amour se replie en demande en mariage.

Il est question dans ce film du désir d'une autre femme, Annie. Elle aussi a à négocier avec la nécessité, et pas dans la vérité de son désir mais avec la conscience commune d'une femme d'ouvrier au foyer.
La rencontre de Nicole et d'Annie constitue l'une des scènes les plus réussies de Vues d’ici. Nicole s'étonne de voir Annie lire les Offres d'Emploi du journal: «Tu as des problèmes avec ton mari ?» La pertinence de la question n'est pas seulement d'ordre psychologique (projection de ses propres ennuis), elle est aussi filmique. Depuis le début, les réalisateurs ont pris soin de ne jamais réunir Annie et son mari (René) dans une même image. Le montage des plans, le raccord des regards notamment, assure le spectateur du jeu de communication dans le couple. Pour nous, Annie exprime par sa lecture l'état réel de ses rapports affectifs bien qu'elle s'en défende en niant que l'idée de travailler pour se sortir du cercle familial lui appartienne.

Ruse de l'inconscient ou ruse du cinéaste ? Le film redouble à mon avis la dénégation pour échapper à l'alternative classique : les femmes travaillent par nécessité ou par volonté de travailler. En effet, dans Vues d’ici, René est touché par une réduction d'horaires, sa femme n'a donc pas à objectiver son désir de "sortir" de ses quatre murs dans le désir de travailler, c'est devenu une nécessité pour la famille qui se fait construire un pavillon. Si elle le fait, elle se heurte au mari (« De quoi j'aurais l'air ? », réplique René), mais l'affrontement, grâce au scénario, est éludé. Cette remarque est d'importance car le fait qu'Annie joue de son désir comme d'un besoin (de travailler) donne sa tournure à tout le film. Il prend l'allure d'une quête. C'est une façon d'échapper au mécanisme ou au finalisme de la plupart des films militants sur les femmes.

Par la quête Vues d’ici se constitue en film de fiction. Dans toute fiction (on le sait) la quête est accomplie par le héros en vue de combler un manque initial. Celle-ci exige au départ une séparation. Ici, l'impression qu'elle donne résulte pour le personnage de l'écart entre le désir et son objectivation et, pour le film, de la dissociation entre le contenu émotif du désir et sa représentation fictionnelle. Autrement dit, le cinéma divise le désir d'Annie en deux, d'un côté la charge affective et de l'autre l'histoire (le récit) de sa réalisation. Ce clivage contraint l'affectivité à une existence «errante». Les notions de désir (énergie pulsionnelle) s'investissent dans des travellings fantasmatiques qui symbolisent les divers trajets qu'effectue Annie pour "sortir" de chez elle ou aller travailler. De ces images de rues du Havre prises d'un moyen de loco-motion (pourtant propice aux transports en commun disait Freud) - le bus - Annie est bien sûr absente.
D'un autre côté, à moins que ça ne soit alternativement, le film peut développer, tranquille, un discours sur l'émancipation de la femme grâce à sa participation au travail productif. Les deux registres pourraient très bien ne jamais se recouper. Pourtant si nous continuons à filer la métaphore de la quête (la hiératique traversée du tunnel Jenner donne à penser qu'il ne s'agit pas seulement d'une métaphore) nous savons qu'à l'épreuve succède la récompense du héros. Dans Vues d’ici, après avoir travaillé dans des conditions qui sont près de la briser (cf. la scène admirable devant la télé où passe le western Johnny Guitare) Annie connaît enfin le plaisir et le repos (cf. la nuit de garde avec ses deux compagnes d'atelier dans l'usine occupée).

Je comprends que Vues d’ici ne fasse pas l'unanimité (je vais en dire quelques mots) mais qu'on ne vienne pas me parler d'un excès de réalisme social.

Dans le film de Christian Zarifian, Vincent Pinel et Ginette Dislaire il y va du désir et de la nécessité.

Vues d’ici ne fait pas l'unanimité parce qu'il s'oppose à un «ailleurs» qu'on peut aisément déterminer en faisant le compte (1, 2, 3) de ce qui est évacué et «censuré» dans ce film sur les femmes.

1) Le rapport aux enfants d'abord. Suffisamment nombreux et présents pour rappeler qu'ils existent, ils ne constituent pas une préoccupation majeure ni un obstacle au travail de la mère (Annie). Les trois enfants de la famille n'embrayent pas vraiment sur la fiction et pour cause. La véritable histoire du film n'est pas une affaire de générations ni même d'éducation bien que les deux plus grands (un garçon et une fille) inscrivent si l'on veut le passé actuel (c'est-à-dire toujours agissant) des parents : le fils «doit» se consacrer à ses études pour avoir un métier alors que la fille «devrait» aider sa mère à la maison. Division sexuelle du travail social/domestique qui dès la naissance est portée par le désir croisé des parents. Sur ce point de l'autoreproduction invariante des rôles familiaux le scénario manque volontairement de conviction.

2) Le rapport à la sexualité. Le sexuel rate toujours son entrée dans le film, au niveau manifeste bien sûr. D'emblée, il est ob-scène (cf. tout au début le plan du lit défait sur fond sonore de publicité pour une bière dont la mousse est onctueuse...). Plus tard, au milieu du film, le retour du refoulé est tout à fait édifiant : Annie, le livre de compte à la main, entre dans le lit où son mari l'attend. Assurément, ils sont «dans la gêne». Ce recouvrement du sexuel par l'économique se répètera vers la fin de façon exemplaire dans une scène au bord du lit avec le baptême conjoint (au champagne) du pavillon et des attributs féminins et masculins. Le souvenir latent du licenciement pour raison économique (sic) de deux femmes dans l'atelier d'Annie «coupe court» à toute effusion. Le scénario veille (on peut le vérifier) à tout débordement (sexuel) de son propos. Est-ce dire qu'il fait l'impasse sur le rapport homme-femme ? C'est en tout cas une manière élégante de faire taire la voix dominante (petite bourgeoise ?) des mouvements féministes qui place la vie sexuelle au centre du problème de la libération de la femme. C'est aussi occulter la question de la différence des sexes mais ceci est une autre affaire...

3) Le rapport à la politique enfin. La famille dînant devant la télévision écoute distraitement la déclaration de Georges Marchais sur le «virage à droite» du Parti Socialiste. Le film a été tourné à la veille des élections de mars 78. La situation politique «très préoccupante» comme dit le secrétaire général du P.C. s'entraîne aucun effet. Annie enchaîne sur les malheurs de Nicole avec son concubin...
Restent donc les rapports de la femme à la famille et au travail. Vues d’ici opère la mise à l'épreuve (fictionnelle s'entend) de la thèse autrefois partagée par toute la critique «de gauche» des mouvements féministes : la libération de la femme passe par le travail social. Autant le dire, cette thèse fonctionne encore pour beaucoup d'entre nous comme un signe de reconnaissance. La toute première tâche qu'on veut voir effectuer par les femmes «pour leur émancipation» c'est la participation à la production sociale. En contrepartie, les hommes promettent un partage équitable des tâches ménagères. La double journée de travail est le lot d'Annie Laplace lorsqu'elle se met à «travailler» et c'est certainement le cas pour la plupart des femmes. Ce déroulement du film ne suffit pas cependant à me faire croire qu'il cherche à être «réaliste». Je continue de penser que le scénario avance des situations ad hoc pour les besoins de sa cause : Annie trouve un emploi dans une entreprise, elle fait une double journée de travail, un licenciement pour raison économique frappe son atelier, l'usine est occupée. A partir de ce canevas typique de la crise (cf. le dernier film de Sautet), Vues d’ici échappe, grâce au travail cinématographique, aux stéréotypes des films politiques et des drames sociaux (pour reprendre la classification de Pariscope). Comme les films militants, il écarte toute psychologisation des contradictions sociales mais il ignore aussi la vision mécaniste ou finaliste de la plupart des films politiques où l'élévation du niveau de conscience est linéaire et irrésistible. Vues d’ici progresse par un travail cinématographique extrêmement complexe où les déplacements d'Annie (comme je l'ai déjà dit) sont l'élément structurant. Le temps comme l'espace n'est aucunement «réaliste». L'espace-temps du film est plutôt cyclothymique. L'appartement au moment de «l'épreuve» est le lieu de la déprime, l'atelier occupé pendant la nuit déclenche le fou rire. Les réalisateurs instaurent, en outre, une topologie clivée par la lutte des classes : le mari ne nous entraîne jamais qu'au pavillon qu'il finit de construire et où il rêve de s'établir à son compte, la femme nous conduit au contraire à l'atelier et à l'usine occupée. Le désir de René est pris dans les rets de l'idéologie dominante (cf. le discours en voix off de Giscard sur l'accession à la propriété). Le désir d'Annie est de l'énergie libre, facteur de désordre (« Rien ne marche plus dans la maison depuis que tu travailles » proteste le mari). De la même manière, le désir des ouvrières d'être traitées à égalité (dans tous les domaines) ne s'articule pas spontanément aux formes habituelles de lutte de la classe ouvrière. L'intrusion des revendications spécifiquement féminines et de quelques griefs contre les hommes brise la photographie traditionnelle de l'action syndicale. La participation des femmes à l'occupation de l'usine contraint à l'abandon de la dictature d'une image du prolétariat (si j'ose dire). Les contradictions, à l'intérieur même des ouvriers sur les questions féminines font éclater littéralement le champ visuel et auditif instauré primitivement par des plans fixes de l'ensemble du personnel (réuni en rangs serrés pour écouter le responsable syndical). Métaphore de la parole qui circule, la caméra ouvre des espaces à la contradiction : elle tourne autour des petits groupes qui se sont formés, va et vient avec les personnages. Les voix paraissent plus proches. La division sur toutes les questions soulevées par le mouvement de libération des femmes ne passe pas (on l'imagine facilement) par la contradiction homme-femme. La confrontation idéologique est diffuse. Le délégué essaie bien à plusieurs reprises d'unifier les travailleurs par le rappel de l'adversaire (le patron) mais cette séquence qui pouvait être le point nodal du film (il s'agissait de nouer la lutte spécifique des femmes et la lutte des classes) se termine en points de suspension. Loin de rétablir l'ordre par la désignation d'un bouc émissaire tout indiqué (le capitalisme) ou de lendemains qui chantent pour les femmes (dans le socialisme), le film inscrit les limites objectives actuelles du désir de libération par un coup de force esthétique. La musique coupe net le débat spontané qui s'enlise. La caméra reprend Annie en plan rapproché et la suit car elle se détourne, désabusée. La jonction entre son devenir personnel de femme et le mouvement social n'est pas pour la satisfaire pleinement. Le hiatus se signale par un arrêt sur l'image. C'était une fin possible...

Vues d’ici qui met en fiction ce que le travail social peut apporter aux femmes et dialectiquement ce que la lutte des femmes peut apporter au mouvement ouvrier se termine par la garde de nuit de l'usine occupée. Seul moment heureux du film dont les hommes sont exclus. «La femme est l'avenir de l'homme».

Alain Marquet

Lutte Ouvrière, N°573, mai 1979


Annie Laplace a 39 ans. Elle est mère de trois enfants et l'épouse d'un ouvrier qualifié, chef d'équipe. Sa vie quotidienne est celle de millions de femmes de travailleurs : le ménage, les enfants, le mari plus ou moins "phallocrate ", les projets de construction d'un petit pavillon auquel on consacre tous ses week-ends, la voiture et la télé envahissante.
Un jour, les réductions d'horaire et de salaire, à l'usine où travaille son mari, réduisent les revenus du ménage et obligent Annie à chercher du travail.
Alors commence une quête à l'emploi démoralisante, avec visites Infructueuses, questionnaires indiscrets.
Finalement, Annie est embauchée à la CETIM. Commence alors une autre expérience : celle du travail fastidieux, des cadences insupportables, de la discipline tatillonne, des remontrances du chef d'atelier, seul homme dans un atelier de vingt femmes.
Jusqu'au jour où une grève éclate dans l'atelier. Annie, doit alors affronter l'indifférence, voire l'hostilité de son mari. Elle se heurte aussi, avec ses collègues de travail, aux autres hommes de son entreprise. Ces derniers sont plus préoccupés par leur propre grève et par les revendications mises en avant par les syndicats que par celles des femmes… Certains contestent même à celles-ci, le droit de travailler à égalité avec les hommes...
Mais au travers de l'occupation de l'usine et des piquets de grève auxquels Annie participe, les femmes se rapprochent, discutent, se découvrent...

Vues d’ici a été tourné par la Maison de la Culture du Havre à partir des réunions de groupements féminins. Les acteurs sont presque tous des amateurs dont certains ont joué leur propre rôle (en particulier, le syndicaliste défendant «l'industrie nationale» et «l'outil de travail» est plus vrai que nature). Malgré le manque de moyens, tant professionnels que matériels et un côté un peu documentaire, le film réussit à toucher et à faire passer avec sensibilité les soucis et les problèmes quotidiens d'une femme travailleuse et mère de famille, mais aussi ses aspirations à plus de liberté, et ses efforts pour les réaliser.