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Chien-Chien - Film pédagogique (1972 - 15 minutes)

 


Ce film de vingt minutes fut tourné pour développer des actions de formation du jeune téléspectateur. L'objectif pédagogique qui présida à sa conception était le suivant : faire comprendre durablement que le cinéma n'est pas naturel mais résulte d'un travail de fabrication artificiel.
Destiné à de jeunes enfants (classes de CE 2, CM 1 etCM2, 6ème), Chien-Chien met en évidence, par un procédé simple, l'influence déterminante du son sur l'image. Une même bande image est présentée successivement trois fois avec une bande son différente.
Dans la première version, une simple musique d'accompagnement rythme le défilement des images. On y voit un chien jouant avec sa maîtresse sur un canapé. Peu après, il se trouve seul dans l'appartement. La porte étant entrouverte, il file dans la rue où il rencontre un collègue, cherche de la nourriture, fait ses besoins. Puis il court et folâtre sur une plage. Enfin, il réapparaît du fond d'un jardin public, tenu en laisse par sa maîtresse... On retourne bientôt dans l'appartement, sur le canapé, où la jeune fille caresse et joue de nouveau avec son chien.
Dans la seconde version, une voix off, sage, très "enfant modèle", figure le monologue intérieur du chien et commente les images. C'est l'idéal même de l'animal domestique que semble maintenant incarner le cabot. Parti à la recherche de sa maîtresse chérie, il s'est perdu. Affolé par le milieu de la rue, c'est avec la plus grande joie qu'il retrouvera laisse et vie en appartement.
Troisième version : une voix off se gausse de la domesticité avec "vulgarité". Elle nous raconte l'aventure comme une fugue vivement désirée et nous dépeint la vie d'un chien d'appartement comme une somme de contraintes réduisant l'animal à l'état de simple jouet.
Ce film a donné lieu à des nombreuses animations. Après chaque partie, la projection était arrêtée et une discussion sur ce que chacun venait de voir et d'entendre s'engageait dans la classe. L'expérience ne trouvait tout son sens qu'après les trois projections, la plupart des élèves ayant fortement pris parti pour l'une des versions proposées.
Comme la très bien montré Alain Bergala, la voix off agit dans le film essentiellement comme "vecteur de l'identification". Elle n'est pas impersonnelle, fade, abstraite. Elle renvoie à des univers langagiers particuliers, correspondant à des milieux socio-culturels distincts, recouvrant donc des expériences de la rue tout à fait différentes. Elle donne ainsi au spectateur un certain nombre d'éléments qui lui permettent de développer une relation affective "forte" avec le film, relation en prise sur l'imaginaire individuel et la vie sociale. C'est aussi cette relation qui fait question quand après la projection, l'aspect naturel du cinéma est mis en doute.

Sonovision, Novembre 1982