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Un film c'est un film - un film pédagogique (1973 - 25 minutes)

 


Alain Bergala

Education 2000 - N°5/6, Janvier 1979

Un film c'est un film s'adresse à des élèves plus âgés, et déjà plus au fait des langages audio-visuels : les classes de 4ème et 3ème semblent réagir très positivement à sa projection.
Il s'ouvre sur trois versions, filmées différemment, de la même scène (avec les mêmes dialogues) : une écolière rentre chez elle en fin d'après-midi, embrasse sa mère qui est en train de préparer le repas du soir à la cuisine, et s'installe devant le poste de télévision pour y regarder une émission qui semble la fasciner. Après plusieurs avertissements, la mère vient arrêter autoritairement la télévision pour que la fillette fasse ses devoirs avant le retour du père.
Dans la première version, la scène est filmée en un seul plan fixe, soigneusement cadré, qui joue sur la profondeur de champ.
Dans la deuxième version, la scène est filmée par une caméra très mobile, tenue à la main à la façon du cinéma direct, qui accompagne la fillette dans tous ses déplacements.
Dans la troisième version, le montage joue un rôle très accentué, en gros plans (et des plans serrés) qui morcellent la scène dans le détail de chaque geste et de chaque expression. La prise de son, effectuée aussi en "gros plans" sonores au plus près de chaque bruit, morcelle de même l'espace sonore.
Dans une partie centrale du film, on assiste ensuite à une sorte de reportage sur la mise en scène de chaque version : choix des angles de prises de vues et des cadrages, direction d'acteur, répétition, prise de son... Chaque réalisateur répond à quelques questions sur ses choix fondamentaux de mise en scène, essaie de définir son approche cinématographique de la scène. Il s'agit, en fait, de rôles joués avec un humour léger pas toujours perceptible aux spectateurs : le rôle du chantre du cinéma-vérité, celui du cinéaste formaliste qui se prétend idéologiquement neutre, rôle correspondant à un typage approximatif des discours fréquents sur la mise en scène. Enfin, comme au début du film, mais éclairées cette fois par la partie centrale, on voit à nouveau les trois versions de la scène.
L'erreur de bien des productions didactiques, c'est de traiter un peu légèrement tout ce qui semble secondaire par rapport aux objectifs pédagogiques nécessairement partiels qui ont été fixés : on ne prête pas toujours tout le soin et la réflexion nécessaires au choix du thème et de l'anecdote, à celui du personnage principal, à la qualité de a réalisation, de la direction d'acteur, de l'image... Par souci de viser au plus juste la cible didactique, on s'aveugle sur l'importance tout aussi déterminante des autres choix, ou pire encore, on est amené à réduire, à aplatir, à force de simplifications sécurisantes, ce qui constitue l'épaisseur, la richesse du texte filmique et la complexité de sa relation au spectateur, ceci au moment même où l'on prétend analyser son langage.
Rien de tel dans les films du Havre : Chien-Chien et Un film c'est un film ont le mérite d'exister d'abord comme textes filmiques, et c'est à cette qualité (qui ne s'éprouve véritablement qu'en projection devant un groupe d'élèves) qu'ils doivent de pouvoir remplir, ensuite, leur rôle didactique.